Publié le 24 Juin 2024
En France, certaines villes ont mis en place un encadrement des loyers, mais l’application de cette réglementation reste problématique. À Paris, par exemple, plus d’un quart des logements proposés à la location dépasse le plafond légal de l’encadrement des loyers. Ce chiffre est basé sur l’analyse de 1 500 petites annonces publiées sur huit sites immobiliers comme SeLoger, Orpi, PAP, et Leboncoin. Ces annonces ont été examinées à l’aide de l’extension gratuite « Encadrement » qui indique si le loyer est conforme aux normes (étiquette verte) ou non (étiquette rouge).
L’extension « Encadrement » a été développée en 2019 par Aymeric Dominique et Thomas Legrand, deux ingénieurs cherchant un logement dans la capitale. Depuis sa création, l’outil a analysé 60 000 annonces, dont 40 000 à Paris. Les données révèlent que, bien qu’il y ait eu une amélioration, environ 30 % des annonces excédaient toujours les plafonds de loyer en 2023. Ce taux inclut parfois des compléments de loyer autorisés, mais souvent, ces compléments ne sont pas clairement justifiés dans les annonces. D’après l’Observatoire des loyers de l’agglomération parisienne (OLAP), le taux d’irrégularité était de 28 % à Paris en 2022, proche des 29 % calculés par l’extension « Encadrement ».
La différence entre les données de l’OLAP et celles de l’extension pourrait être due au fait que les biens les plus chers, souvent difficiles à louer, sont plus fréquemment annoncés en ligne. Les échantillons de l’OLAP comprennent une plus grande proportion de biens loués sans intermédiaires, ce qui pourrait expliquer une divergence. En termes de montants, l’OLAP estime le dépassement moyen à 160 euros par mois, stable depuis 2016, alors que l’extension « Encadrement » montre une augmentation du montant médian, passant de 137 euros par mois en 2020 à presque 190 euros en 2023.
Une autre question se pose : qui applique le moins bien l’encadrement des loyers, les professionnels de la location ou les particuliers ? Les observations varient, mais l’outil « Encadrement » indique que les sites sans médiation, comme Leboncoin et PAP, tendent à présenter plus de dépassements. Toutefois, selon un analyste de l’OLAP, il n’y a pas de différence significative entre les locations avec ou sans intermédiaire en termes de conformité des loyers.
Les propriétaires individuels représentent la majorité des contacts avec les agences départementales d’information sur le logement concernant l’encadrement des loyers, tandis que les locataires restent en minorité. Les propriétaires cherchent souvent à comprendre les spécificités de leur zone de tarification, surtout lorsque des découpages complexes scindent une rue ou un immeuble. Les locataires, quant à eux, sont souvent réticents à protester contre les dépassements. Manuel Domergue, directeur des études à la Fondation Abbé Pierre, explique que les propriétaires, généralement plus âgés et plus aisés, détiennent le rapport de force et peuvent donc se permettre de retarder les réparations nécessaires ou de se montrer stricts en cas de retards de loyer. Certains locataires renoncent à faire valoir leurs droits, notamment lorsqu’ils ont menti sur leurs revenus ou que leurs papiers ne sont pas en règle.
À Paris, moins de 1 700 locataires ont signalé des dépassements en 2023, et seulement sept amendes ont été infligées aux propriétaires contrevenants. « Les propriétaires préfèrent tenter leur chance avec des loyers au-dessus du plafond. Si le locataire accepte, il se considère chanceux d’avoir trouvé un logement », conclut M. Domergue.